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Le blog de reve-de-lune1982

 

16 août 2012 Le lendemain, lorsque je me lève, tout le monde dort encore. Je me prépare rapidement et descends déjeuner. Jacques vient me rejoindre :

- Le prêtre nous a invités à déjeuner, tu ne veux pas te joindre à nous ?

- Je te remercie mais la journée va être très chaude, et j'ai une longue route, je préfère m'en tenir à mon horaire.

- Les jeunes ne voulaient pas manger mais là, ils se sentent un peu forcés. Tu viendras nous dire au-revoir ?

- Oui, bien sûr ! A tout à l'heure.

En effet, nos chemins divergent. Tout le groupe part sur Oloron pour, ensuite, se diriger sur Saint Jean Pied de Port pour les belges et les espagnols et remonter sur le col du Somport pour Jacques.

Lorsque je pénètre dans la salle à manger je suis surprise par l'abondance des vivres sur la table : un vrai petit déjeuner avec charcuterie, fromages et tout le reste ! Je déjeunerais bien une deuxième fois !

J'essaye de parler, mais des larmes me montent aux yeux et je suis prise de gros sanglots. Ouf ! Je ne croyais pas que ce serait si difficile de les quitter. Me retrouver seule, après ces moments de partage, me submerge. Je tente de m'excuser mais le prêtre me console :

- C'est bien, laisse toi aller, ce n'est pas une honte de pleurer lorsqu'on quitte des amies.

Et il me prend dans ses bras pour me réconforter. Après les embrassades, le prêtre me donne un plan pour que je puisse retrouver facilement la route.

Je suis ce plan à la lettre. Je contourne la gare, passe les voies ferrées herbeuses et me heurte à un grillage. A l'extrémité du grillage, un poteau avec une ouverture que l'on trouve dans les champs : un anneau de fil de fer autour d'un piquet. Je remonte l'anneau et entre dans ce qui me semble être un parking et referme scrupuleusement derrière moi.

Je me faufile entre les voitures et arrive devant un bâtiment. Dans ce bâtiment, je remarque qu'une voiture recule à tout allure. Elle se dirige directement sur moi au risque de me renverser, et s'arrête pile à mes pieds. De la fenêtre sort une tête et une voix, très, très en colère :

- Vous n'avez pas vu les panneaux ?

Je tombe des nues.

- Les panneaux ?

- C'est ça, en plus prenez moi pour un con !

- Je suis désolée mais je n'ai pas vu de panneaux.

- Désolée, désolée. Ah ! Oui ! et vous ne les avez pas vus ? Ça c'est le plus fort. Vous avez dû encore bousiller mon grillage !

Tout ça et quelques mots que j'ai oubliés, dits d'un ton très menaçant.

Que c'est-il passé ?

Tout à ma recherche, j'ai bien vu des panneaux mais complètement à droite de l'ouverture, à côté d'un bâtiment. Ces panneaux indiquaient « propriété privé » ; mais, je n'ai pas fait le rapport entre le grillage et le bâtiment. Le grillage que j'ai ouvert était complètement pourri je ne pouvais pas l’abîmer plus qu'il ne l'était. 

Les panneaux auraient dû être du côté de l'ouverture. C'est sûr que là je n'aurais pas ouvert la porte ! Mais Laisser l’ambiguïté et la possibilité d'ouvrir ce grillage donne l'occasion et le droit à ce monsieur d'engueuler ceux qui passent en toute bonne foi.

Ceci est d'autant plus mesquin qu'une belle grille et un superbe portail ferment le devant de la cour du bâtiment qui est, en fait, un garage de réparations automobiles !

Comme toujours, je suis mal à l'aise, car je pensais avoir tout bien fait. Je m'en vais sans trop lui répondre car cela ne sert qu'à accentuer son agressivité.

Je sors donc par le grand portail majestueux ! L'engueulade m'ayant un peu tourneboulé, je prends une route sur la gauche tout en ayant le pressentiment de me tromper de direction.

Une station service est à ma droite et une femme finit de remplir son réservoir. Je m'approche d'elle :

- Pardon, Madame, suis-je bien sur la route de Lurbe ?

- Non, vous vous trompez. Attendez, je vous accompagne jusqu'à l'embranchement. Ça m’intéresse ce que vous faites.

Elle laisse sa voiture en plan, devant la pompe, et me voilà accompagnée de cette femme de mon âge qui rêve de partir sur les chemins ! Elle commence à me raconter sa vie. C'est tellement dramatique que j'en ai les larmes aux yeux. Ensuite, elle me donne toutes ses coordonnées ! Nom ; adresse ; téléphone et ses vœux. Nous devons nous quitter. Sa voiture doit gêner et moi j'ai ma route à faire. Ça fait du bien, après la semonce que je viens de subir, de rencontrer quelqu'un d'aussi affable. Je lui ai d'ailleurs raconté mon aventure. Elle connaît le zigoto, c'est un empêcheur de tourner en rond !

Après des adieux encore mouillés ! Je m’engage sur la route du Bois du Bager pratiquement déserte. Il fait encore frais. Les champs succèdent aux champs , les virages aux virages.

Pour satisfaire un besoin pressant, je me cache derrière un bosquet tout en surveillant les alentours. Alors que je remonte sur la route, je me cogne, presque, à une apparition très surprenante. Un curieux cycliste sur un non moins curieux vélo apparaît devant moi. C'est un homme, dans la cinquantaine, pas très grand, en short. Une genouillère blanche entoure l'un de ses genoux. Son visage, malgré le soleil d'été, a un teint très blanc. Un bandeau rouge ceint son front. Son vélo est vraiment mini, mini. Son barda, un paquet de sept kilos, est posé sur un porte-bagages à l'avant, et une tente est coincée sous la selle. Il est belge. Il a déjà fait Compostelle à pieds, plusieurs fois, mais ne peut plus porter, alors, il roule.

- L'avantage, c'est que lorsqu'on est en haut d'une côte, pour descendre, il suffit de se laisse aller.

- Oui, mais la côte, il faut la monter et pour moi ça serait plus difficile qu'à pieds !

L'homme est très ouvert et sympathique, nous nous quittons bons amis !

La route s'est peuplée de voitures et de nombreux cyclistes (vélos de course, cette fois !) qui me saluent amicalement. Entre temps, je suis arrivée au niveau de la forêt et l'ombre est apaisante.

Lurbe St Christau 31.08.08 9h40

Sur une petite place, le long de la route, à côté d'une voiture, un vieil homme, immobile, un bâton dans les bras me regarde arriver. Je sens comme un appel. Je traverse et m'avance vers lui. Il a envie de parler. Il me raconte un peu sa vie

- Ma femme est aux champignons mais moi je ne peux plus beaucoup marcher car j'ai une polyarthrite. Alors, en attendant son retour, je fais des allers retours autour de la voiture et parle avec les gens qui passent.

Je le quitte toute triste.

Je fatigue. La route est toute en devers et j'ai toujours une jambe plus haute que l'autre ! J'ai aussi des vertiges et la tête brumeuse. Une coupe d'arbres m’accueille. Je fait une pause biscuits et reprends ma marche un peu revigorée. Enfin, un panneau m'indique ma position : Lurbe cinq kilomètres. Cela me redonne du courage et je reprends une marche rapide. Malheureusement, je sors de la forêt et tombe sur une route, au milieu des champs, en plein soleil. Je mets ma casquette et mon foulard sur les épaules et je marche, je marche, je marche le long de la route, la tête vide. Je dois être rouge tomate et un peu dépenaillée. Un couple de cyclistes arrive à ma hauteur, s'arrête et m'applaudit pour m'encourager et la femme crie:

- Bravo ! Bravo ! et m’applaudit encore

J'ai les larmes aux yeux et la gorge serrée. Ce que je n'ai pas eu dans l'enfance, cette reconnaissance, on me l'offre là.

J'arrive à la pancarte Lurbe Saint Chritaud mais un panneau, à gauche, avec des signes GR m'indique Lurbe 10mn par la forêt. Cela ne se refuse pas ! Mais, je tombe sur un sentier en pente abrupte, caillouteux et bosselé. Je dois faire très attention pour ne pas m'accrocher les pieds et ne pas tomber.

J'arrive dans un village et à nouveau, me perds ! Je me rends compte que j'ai pris le sentier qui remonte vers le Col du Somport alors que mon hébergement se trouve de l'autre côté du gave, plus bas que Lurbe. (Il n'y a plus d'hôtel à Lurbe et j'ai dû louer une chambre dans une maison, à l'écart du chemin et cela m'oblige à faire un détour de deux kilomètres.) Le village est désert. Il est douze heures trente et les gens prennent leur repas. J'entends des conversations qui sortent d'une fenêtre, je m'avance. Une famille est à table. Un homme se lève et viens à ma rencontre. J'explique que je suis perdue. Il ne comprend pas trop ce que je veux.

- Je voudrais rejoindre Asaps.

- Vous continuez toujours tout droit et vous retomberez sur la route nationale et là vous tournez à gauche. Bien mal m'en a pris de prendre ce raccourci . Je me suis rallongée d'un bon kilomètre. Si je l'avais ignoré, je serai déjà à Asaps !

Comme un cheval qui sent l'écurie, j'allonge le pas et ne pense plus qu'à arriver. La route monte et j'ai très faim. Avant de me présenter à l'auberge je dois manger car il ne m'est pas possible d'y faire la cuisine.

J'arrête une jeune fille :

- Pardon, Mademoiselle, connaissez-vous un café sympa où je pourrais manger ?

- Il y a ce petit restaurant, juste en face. Ou alors vous pouvez aller chez Germaine. C'est meilleur et mieux tenu mais il vous faut encore monter environ dix minutes.

De l'autre côté de la route, le boui-boui crasseux ne me dit rien qui vaille, je vais chez Germaine ! J'entre. Il est treize heures bien passées et le bistrot est désert. Une femme, sans doute Germaine, est derrière le comptoir :

- Est-il encore possible de manger ? Elle me dévisage. Je la sens sur la défensive.

- Oui, c'est encore possible. Mettez votre sac un peu plus loin contre Le mur et installez vous à une table.

- Une garbure pour entrée ça vous va  ?

- Oui, très bien.

A la garbure, se succèdent une salade tomates pommes de terre, des lasagnes et une belle crème brûlée ; le tout accompagné d'une bière. Je suis bien calée !

Alors que je la règle, Germaine me demande où je suis hébergée. Je le lui indique et elle me dit :

- Ah ! Oui. Il n'y a pas le repas le soir là-bas et ici, ce soir, le resto est fermé car je ne suis pas là et le serveur... !!! Je fais la cuisinière tous les jeudis soirs pour la fête pastorale. Mais, si vous voulez quelque chose de simple, il peut vous le faire. Venez vers 19h.

Cette femme si méfiante au départ et qui maintenant me propose ses services pour le repas du soir ...!!!

Je sors et cherche la chambre d'hôtes qui, d'après Germaine, n'est pas loin. Mais comme d'habitude, je me trompe. Je téléphone et Martine, la femme du gîte, me guide jusqu'à elle. Une femme d'une cinquantaine d'année apparaît.

La maison est très grande et très belle. Martine m'a installée dans sa chambre personnelle car elle a mis quelqu'un d'autre dans celle qui m'était attribuée au départ. Cette chambre est meublée d'un grand lit de 2m10, d'un solide mobilier de bois brut et attenante une salle de bain rutilante, moderne et nickel brille de tous ses feux..

Je me fais une sieste et savoure le lit douillé dans la chambre aux volets clos.

Au réveil, comme je n'ai ni terrasse, ni table (comme prévu, dans l'autre chambre), je descends rejoindre la famille sur leur terrasse.

Le mari, François, est en train de couper des courgettes. Ses deux-petits enfants d'environ cinq et sept ans, l'aident à enlever les graines. Ils s'en donnent à cœur joie à gratter les courgettes se lavant les mains dedans et les secouant ce qui projettent les graines un peu partout sur la terrasse et sur mes genoux !

Je vois que pendant mon sommeil, Martine, super sympa, a fait une machine à laver de mon linge et l'a accroché. Elle m'offre une tisane que je bois en compagnie de sa fille, avec du cidre fait maison par son mari, et des petits gâteaux.

François parle beaucoup. Il me raconte qu'il est en invalidité car il a fait une crise cardiaque et ne peut plus travailler. Il doit avoir environ cinquante cinq ans. Il travaillait énormément, faisait de nombreux déplacements et cela lui rapportait beaucoup d'argent. Cette source s'est tarie et je sens un mal être chez lui ainsi qu'une ombre qui plane sur leur couple.

Martine est moins avenante avec moi. Je sens une barrière comme si je n'était qu'une cliente vis-à-vis d'elle (ce que je suis évidemment), alors que je ne ne le décèle ni chez sa fille, ni chez son mari. Quand je lui dis que Germaine m'a proposé de manger au café je perçois un soulagement chez elle.

Donc, vers 19h, je m'empresse de partir au café. Le mari ? de Germaine  est derrière le comptoir. Je m'installe à la même table qu'à midi. Je suis seule à part quelques hommes qui boivent l'apéro au bar. Je suis tranquille et acceptée. J'écris. Le patron allume la télé. Ce qui me permet de voir la météo qui sera terrible encore quelques jours. Vers 19h30 le garçon, d'une quarantaine d'années, vient me demander s'il peut servir la garbure. Il est d'une gentillesse fondante et au petit soin pour moi pendant tout le repas. Après la garbure, même salade qu'à midi pommes de terre + salade, puis une cuisse de canard, puis pâtes, puis frites ! Puis dessert où je me contente de deux boules de glace.

Lorsque je demande la note, le gars derrière le comptoir me demande combien m'a fait payer Germaine.

- Douze €uros.

- Eh bien ! Douze €uros.

Je n'en reviens pas ! Déjà, à midi, j'avais été étonnée du prix modique. Je pensais, avec tout ce qui m'avait été servi ce soir, payer plus. Et dire que Germaine avait peur que je n'ai pas assez à manger. Ses choses simples étaient peut-être simples mais copieuses et délicieuses !

Si vous passez par Asaps, ce restaurant « Chez Germaine, Le Compostelle » est sur la route nationale en arrivant du pont, à droite, dans la montée.

Je rentre au gîte. Alors que je monte dans la chambre, Martine m'invite sur la terrasse. Elle m'offre une tisane mais ne reste pas avec moi, elle s'en va arroser son jardin ! Je continue donc la discussion avec François

J'apprécie la fraîcheur, le parfum des fleurs, les étoiles dans la nuit qui tombe et je pense à cette belle journée si pleine de rencontres.

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