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Le blog de reve-de-lune1982

N° 22 22/09/08 Redicilla Del Camino/ Tosantos 17,4kms

 

       La veille, l’hospitalera nous avait prévenues qu’il serait impossible de préparer un petit déjeuner à l’albergue et que le café du village n’ouvrait pas de bonne heure. Elle nous a donc indiquées un bar se situant sur la nationale, à environ un kilomètre de la bourgade.

       Pour moi, me lever de bonne heure n’est pas un problème mais partir sans petit déjeuner alors là c’est-une-hé-ré-sie !  Nous sommes cependant récompensées de notre patience. En effet, nous tombons sur un bar-hôtel qui, malgré sa modernité a gardé son intimité. Quelques pèlerins s’y trouvent déjà. Le petit déjeuner est excellent : grand bol de très bon café, tartines grillées et beurre à profusion. De quoi remettre joyeusement une pèlerine en marche.

           vers-Tosentos-22.09.08-7h53.jpg Une bonne partie de l’itinéraire se fait le long de la nationale (la fameuse route de la nuit !) heureusement sous un ciel gris. Nous sommes encouragées par les klaxons de certains automobilistes. Nous en avons besoin car ce chemin qui borde la route est plat et monotone. Nous marchons en silence tout à notre méditation intérieure.

           A Belorado, nous nous arrêtons pour une pause sandwich dans une albergue privée faisant également office « d’hôtel, bar, restaurant et transport de sacs ! » d’allure très américanisée avec piscine, supers parasols et drapeaux internationaux flottants au vent. A l’entrée, un chien gémissant est attaché au portail. La langue pendante, des plaies et des plaques d’exéma lui rougissent le corps. Que fait ce chien là ? Tout de suite mon  esprit galopant en déduit qu’il est maltraité.

         Nous entrons dans le café avec une québécoise obèse que nous avons rattrapée sur le chemin et qui souffre de son poids et par voie de conséquence d’ampoules sous les pieds et dans les paumes des mains, celles-ci provoquées par les bâtons de marche.  Le restaurant, malgré son apparence commerciale s’avère très agréable.  L’ambiance est sympathique, et pourtant je n’arrête pas de penser au chien. J'ai mal au ventre de savoir cette bête souffrante. En partant, je vois un homme à côté de l’animal. N’écoutant que mon bon cœur (sic !) je m'arrête pour demander si quelqu’un s’occupe de ce chien ou s’il faut appeler les secours. Une réplique cinglante me fait rentrer sous terre :

- « Oui, je m’occupe de Ce chien, car Ce chien est Mon chien.  Non, il n’est pas maltraité si c’est ce que vous pensez, il est malade, et j’attends le vétérinaire. Et j’en ai assez d’entendre toutes les conneries des gens qui passent devant moi! ». (Dit en espagnol, traduit par Catherine !)

       Dans ma tête je pense : « Merci, monsieur, de votre réponse car je peux maintenant partir l’esprit tranquille car ce chien n’est pas maltraité et quelqu’un s’occupe de lui». Mon inquiétude  n’était pas sans raison, j'en avais tellement connus de ces chiens maltraités.

       A propos de chiens, il n’est  pas recommandé de les emmener en pèlerinage. Leurs coussinets souffrent d’être sur des routes chauffées à blanc ou sur des chemins caillouteux. D’autre part, ce sont des animaux qui ont besoin de beaucoup d’heures de sommeil et ils ne sont pas adaptés à ces nombreuses heures de marche sans pause.

       Nous repartons sans la Québécoise qui ne sait pas encore si elle va continuer ou s’arrêter là. De toute façon elle marche trop lentement pour que notre chemin se croise à nouveau. Après cette pause nous avons le bonheur de constater que le sentier quitte enfin la route pour se perdre dans des champs de céréales.

         Tosentos-22.09.08-16h382.jpg Nous n'avons pas de difficulté à trouver l’albergue San Francisco de Asis à Tosantos : une petite bâtisse rénovée, porte et fenêtres grandes ouvertes sur un jardin parsemé de tables et de bancs.

          La première rencontre avec José-Luis n'est pas transcendante pour moi. Je me trouve devant un petit homme au corps massif, au crâne dégarni sur une tête de paysan matois, et d’une apparence simple et banale. Il est aidé de Daniel un hospitalier allemand qui nous inscrit et tamponne notre crédential. 

     José-Luis nous accompagne dans un magnifique dortoir parquetéTosentos 22.09.08 15h33 situé dans les combles et nous indique les matelas à prendre (à nouveau de minces matelas synonymes… aïe ! aïe ! aïe !... de mal au dos !) et voyant nos légers plaids nous alloue à chacune une chaude couverture supplémentaire. Les nuits commencent à être fraîches et la nuit à venir le sera d’autant plus à Tosantos dont l’altitude avoisine  les neuf cents mètres.

     Pour cette étape, et pour la première fois, le froid et l’attente restent des souvenirs très forts dans ma mémoire.   Après nous être installées et douchées, Tosentos 22.09.08 16h381nous descendons dans le jardin pour se masser les pieds et écrire quelques cartes postales. Mon corps commence à se recroqueviller sous le petit vent frais qui s’est levé.  

      Pour tenter d’avoir plus chaud, Nous nous installons dans un petit salon de lecture. Nous y attendons longtemps, avec d’autres personnes, la venue de la gardienne de l’ermitage rupestre de Nuestra Señora de la Peña. Tous les soirs, cette vieille dame, une habitante du village, fait visiter l’ermitage. Creusé dans la roche il est situé sur les hauteurs, très proche de Tosantos. Cela m'est pénible de reprendre le sentier, même pour seulement une quinzaine de minutes de marche.

      La gardienne est passionnée par son sujet. Elle nous conte une légende qui disait : « qu’une dame à la lumière resplendissante » était apparue dans cet endroit bien avant l’arrivée des chrétiens et qu’il était devenu un lieu de pèlerinage. Par la suite l’église s’était appropriée ce site et les dominicains qui l’avaient réinvesti et entretenu auraient effacé toute trace de cette apparition.

     Après la visite, je me réinstalle dans le salon. Les portes et les fenêtres sur l’extérieur sont restées ouvertes aussi je n’arrive toujours pas à me réchauffer. Petit à petit d’autres pèlerins  ainsi que Catherine qui photographiait des affiches punaisées sur les murs,

              Tosentos 22.09.08 18h592

                     Si tu juges les gens, tu n'auras pas le temps de les aimer. Tosentos 22.09.08 18h591   

                     Il est si difficile d'être juste que la prudence conseille d'être indulgent

 

entrent se joindre à moi. Certains bavardent ou lisent, d’autres dont Catherine ont trouvé des chants de pèlerins qu’ils recopient et essayent d’apprendre. José-Luis vient alors s’asseoir au-milieu de nous. Il y a beaucoup d’animation et chacun continue  ses activités quand, presqu’en un murmure, José-Luis commence à chanter. Les plus proches dont nous faisons partie se taisent pour écouter. Et, petit à petit, sans qu’il élève la voix, un silence profond s’installe. Tous sont subjugués par ce petit homme qui par sa simple présence et sa présence simple illumine la pièce. Je ne comprend pas les paroles mais je sens que quelque chose de l’ordre de la grâce, du sacré et de la transcendance se manifestent à travers lui et son chant. Puis en continuant à chanter, il invite chacun et chacune à se joindre à sa voix :

 

Peregrino a donde va ?

Si no sabes a donde ir

Peregrino por el camino

Que va a morir

Si el disierto es un arenal

El desierto de tu vivir

Quién te guia y te acompaña ?

En tu caminar

 

Refrain

Solo El, mi Dios,

Que me dio la libertad,

Solo El, mi Dios,

me guiará  (bis)

 

Peregrino que a veces vas

Sin un rumbo en tu caminar

Peregrino que vas cansado

De tanto  andar.

Buscas fuentes para tu sed

Y un rincón para descansar,

Vuelve amigo ! que aqui en Egipto

Lo encontrará.

 

Refrain

 

Peregrino sin un porqué,

Peregrino sin una luz,

Peregrino por el camino

qué va à la cruz.

Dios Camina en tu solidad, 
     Illumina tu corazón,

Compañero de tus senderos

Buscando amor.

  Gabarain
 

  Peregrino,a dónde vas, si no sabes a dónde ir... - YouTube 
  peregrinoa donde vas 02 - YouTube Pour écouter le chant cliquer sur ces liens. 
 (deux versions)  

          Il nous quitte comme il était venu, avec discrétion ; les affaires de la maison le rappellent. Après son départ, en attendant de préparer le repas, nous et d’autres pèlerins continuons à chanter pour se garder l’air du chant en mémoire.

          Un branle bas de combat se fait soudain entendre. Les ingrédients du repas arrivent avec Luis, ancien hospitalero qui aide encore les albergues des environs en faisant les courses avec sa voiture.

          Tout le monde est mis à contribution, les uns pour la cuisine, les autres pour la préparation de la salle à manger. Il y a du monde, une trentaine de personnes, la salle à manger est petite, la chaleur humaine commence à faire son effet sur moi !

         Tosentos 22.09.08 20h281Tosentos 22.09.08 20h284

Serrés les uns contre les autres chacun trouve sa place. Nous sommes en bout de table, coincées, entourées de tous les côtés ne pouvant plus bouger. Nous nous régalons avec une salade composée, des lentilles, une pomme et un verre de vin. Nous faisons aussi le plein d’amitié et de chaleur (physique !) et humaine.

Tosentos 22.09.08 20h282

     Après la vaisselle, ceux qui le désirent ont rendez-vous dans un petit oratoire situé en haut de la maison. A l’image de José-Luis, c’est un endroit simple mais habité. Tossentos-22.09.08-21h17.jpgLe cérémonial commence par des lectures de textes. Puis, José-Luis remet, à chaque personne présente, un billet trié selon les nationalités, sur lequel est écrite une intention laissée par un pèlerin qui l’a précédé dans la maison. Ces intentions sont lues, tous les soirs, pendant vingt jours. Elles accompagnent le pèlerin jusqu’à Compostelle. La lecture terminée, les personnes qui le souhaitent, déposent leurs propres intentions dans une boite.

     Une très intense journée se termine. Le temps est venu de fermer les yeux !

 

 

P.S. : Pensez à aller voir petits-pas-de-fourmi.over-blog.com

autre version de cette journée vue par Catherine.

 

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