solitude

          Il lui fallait paraître, toujours paraître. Car il pensait que personne    n’arriverait à accepter son être intérieur. Cet être parfois si noir, si désespérément vide, si stérile, si négatif. Oui, comment faire accepter qu’il était aussi cela ; Comment dire que ses périodes lumineuses, ouvertes, optimistes, rayonnantes, à la limite de la naïveté et de l’innocence faisaient pendant à cette noirceur intérieure.

           Comment faire comprendre cette solitude primitive. Solitude si intense qu’elle l’entraînait au fond d’un puits d’où il ne percevait plus aucune lumière, où il se blottissait à l’intérieur de lui-même, ne pouvant plus rencontrer l’autre : la présence de l’autre le renfermant encore plus dans sa solitude.

         Comment dire le désespoir primordial qui l’entraînait dans la recherche de la mort. Parfois, cependant, espérant sortir de ce désespoir, il partait à l’aventure dans la ville, toute offerte au spectacle. Pendant quelques heures, il s’amusait des facéties des artistes, puis déambulant dans les rues au milieu de la foule, il ressentait, physiquement la solitude primordiale de cette masse en mouvement ; elle venait ricocher sur lui et le laissait encore plus vide et désemparé. Alors, il rentrait, le corps traversé de toute cette désespérance.

             Depuis ses plus lointains souvenirs, il traversait ces périodes d’intense solitude. Ce qui avait changé c’est qu’il ne luttait plus contre elles ; il se laissait engloutir, tout en se voyant s’engloutir. Il savait que cette boue, cette noirceur, cette désespérance faisaient parties de lui, qu’elles étaient liées à sa Lumière intérieure qui se manifestait aussi ainsi. Il savait, à présent, que sa seule manière de sortir du trou était d’aller jusqu’au fond, de se laisser triturer, de mordre la poussière et de regarder la Manifestation agir en lui. Alors, lorsqu’il avait bu ce noir jusqu’à la lie, il voyait à nouveau le jour se découper en haut du puits et d’un coup de pied énergique il ré-émergeait dans la lumière.

Clara.

Comments

[Douzon]

Merci Jos et Belle journée

[jos]

J'adore ce texte Clara! Il est fort, je dirai même puissant et il donne beaucoup à penser. Jos

[Douzon]

Merci Jos et belle journée

[myriam]

J'aime la profondeur de ce texte, sa vérité intense. Je l'avais oublié, merci de l'avoir sorti de l'enfouissement en le republiant.